la passante / a caminhante


pour
charles baudelaire
emile nelligan


légère dans ton envol doré
tu avances le pas très léger
dans la fougue du mouvement
qui me vient du temps d'antan

c'est elle ! rajeunie! rejaillie des ténèbres
que nos rauques oreilles ont entendus
c'est elle ! vivante ! aimante !
que nos coeurs en partance ont vus

la passante va, l'oeil fier, à l'horizon,
la passante ouït, chargé de bleuté
son oeil luit, luisant dans le vent

et elle s'en va, pas à pas, métamorphosée
dans les pas de cette vie et de ses autres façades
ainsi comme les coeurs aspirent au temps



© ana rossi





para
charles baudelaire
emile nelligan


levitando em seu voo dourado
você anda com o passo elevado
no arrebatamento do movimento
que me vem do tempo-escoamento

é ela ! rejuvenescida ! jorrando da obumbração
que nossas roucas orelhas ouviram
é ela! vivendo ! amante-imensidão !
que nossos corações de partida viram

a caminhante segue, o olhar no horizonte
a caminhante ouve, repleta de azul
seu olhar brilha, luzindo no vento

e ela segue, passo a passo, metamorfoseada
nas andanças desta vida em suas outras fachadas
assim como os corações almejam o tempo






A une passante, 
de Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857 (Paris, França)

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue. 
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan 
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. 

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement naître,
Ne te verrai-je plus que dans l´éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être!
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimé, ô toi qui le savais !





La passante, de Emile Nelligan (Montréal, Canadá)

Hier, j'ai vu passer, comme une ombre qu'on plaint,
En un grand parc obscur, une femme voilée:
Funèbre et singulière, elle s'en est allée,
Recélant sa fierté sous son masque opalin.
  
Et rien que d'un regard, par ce soir cristallin,
J'eus deviné bientôt sa douleur refoulée;
Puis elle disparut en quelque noire allée
Propice au deuil profond dont son coeur était plein.

 Ma jeunesse est pareille à la pauvre passante:
Beaucoup la croiseront ici-bas dans la sente
Où la vie à la tombe âprement nous conduit;

 Tous la verront passer, feuille sèche à la brise
Qui tourbillonne, tombe et se fane en la nuit;
Mais nul ne l'aimera, nul ne l'aura comprise.


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